samedi 20 septembre 2014

LE FIFTY-FIFTY DE LA SEMAINE : SAINT LAURENT, LE FILM

Vous l'avez probablement vu sur les réseaux sociaux*, je suis allée voir en début de semaine le film qui a déchainé les passions et les critiques au Festival de Cannes et avant (pour avoir subi les foudres de Pierre Bergé qui a tenté de le faire interdire). 



Ce film a le mérite d'apporter une vision originale, dans tous les sens du termes, du créateur mythique. 
Après tout, que sait-on d'Yves Saint-Laurent ? C'est un nom qui a sans conteste marqué la mode contemporaine, voire même l'a façonnée.
C'est une silhouette bienveillante et calme et un visage au regard un peu douloureux caché par de grandes montures en écaille. C'est le 1er couturier français à avoir fait défiler des femmes noires sur les podiums. C'est aussi celui par qui le smoking d'hommes et ses apparats se sont transformés en parure sexy pour la femme, belle & libre. 
On en sait déjà beaucoup. Du moins, le croit-on. 

"J'ai mené le combat de l'élégance et de la beauté, et je suis passé par bien des angoisses, bien des souffrances" dit Helmut Berger, version senior d'YSL dans "Saint Laurent".
Et on ne peut que le prendre au mot. C'est ce versant que Bertrand Bonello explore pendant 2h25. Et on peut dire que c'est une exploration sans détour! On y palpe le tourment, la sulfure, l'angoisse, la fragilité d'Yves Saint Laurent, à un point que l'on n'aurait pu imaginer (à un point peut-être exagéré?)
Et c'est ainsi que l'on découvre à quel point YSL était un artiste, à tous les niveaux. Son esprit créatif,  son manque d'inspiration, sa solitude, son besoin d'être entouré de muses, son environnement gorgé d'art et d'artistes et bien évidemment ce penchant démesuré irrésistible pour l'excès (l'oxymore n'est pas de trop) et la difficulté à s'accepter. 
L'excès est bien souvent lié à l'amour et on réalise aussi à quel point l'amour de Pierre Berger pour Yves Saint-Laurent était sans limite, protecteur, capable de tout pardonner et parfois aussi d'étouffer. Si tout cela est vrai, le fait qu'il ait cherché à faire interdire la sortie de ce biopic n'est pas surprenant. Difficile de supporter qu'on dévoile une telle part d'ombre et de fragilité de la personne qu'on aime.

Le film se concentre essentiellement sur la personnalité du couturier.  
 
Saint Laurent le film réalisateur Bertrand Bonello Avec Gaspar Ulliel  Jeremie Renier Lea Seydoux

Et cette personnalité est extrêmement bien incarnée par un Gaspard Ulliel tout simplement bluffant. Cela faisait longtemps que je n'avais pas vu un tel jeu d'acteur. On oublie totalement le beau gosse de la pub Bleu de Chanel (ah ah ah quelle ironie, quand on sait la rivalité qu'il existait entre Karl et YSL) et on ne voit plus qu'Yves Saint Laurent. Son attitude, ses manières, ses tics, sa voix, ses postures... Dans mon imaginaire, c'est exactement lui. Dans les interviews que j'ai pu voir d'Yves Saint-Laurent, c'est lui aussi. Et il ose. Je dirais que sa seule limite est celle du personnage qu'il habite. Certains diront qu'il y a du mimétisme à outrance, mais l'incroyable et moi avons trouvé le jeu d'Ulliel vraiment convaincant.
Jérémie Renier en Pierre Berger n'est pas mal non plus, mais je retiens particulièrement la prestation de Louis Garrel, brillant derrière Ulliel*.

Saint Laurent le film réalisateur Bertrand Bonello avec Gaspard Ulliel , Yves Saint Laurent YSL collection 1976

Au delà de l'homme, avec Saint Laurent, on touche un peu du doigt les coulisses de la mode, que ce soit la création et le génie d'YSL, avec certaines de ces collections emblématiques des années 60 au milieu des années 70, ou qu'il s'agisse des questions business, entre les investissements étrangers, les ventes de part de la société, la gestion de licences et, le Graal, du nom & la personne "Yves Saint-Laurent". Le sujet est d'autant plus d'actualité quand on sait qu'aujourd'hui, Jean-Paul Gautier abandonne sa ligne de prêt-à-porter, trop exigeante d'un point de vue commercial. 

Avec tout ça, pourquoi un "Fifty-Fifty" me direz-vous? 
Tous les éléments sont là : une histoire indiscrète, de la fashion, des acteurs plus que talentueux et même une bande-son incroyable. 


Pourtant, voilà. Pour commencer, le film dure 2h25 et probablement une bonne demi-heure de trop. Certaines scènes donnent l'impression de longueur sans forcément être indispensables.
Ensuite, le montage avec ses multiples flashbacks est un peu étonnant, parfois gênant, d'autant plus qu'il n'apporte pas forcément d'éléments supplémentaires à la compréhension des scènes ou de l'état  des personnages. Le réalisateur, Bertrand Bonello, nous fait voyager de la fin des années 60 au milieu des années 70, met en parallèle les événements et le contexte géo-politique sans vraiment approfondir sur l'influence que cela a pu avoir sur la création et l'évolution du créateur.
Et pour finir, il faut savoir que le film est assez direct, assez cru visuellement, et que Bertrand Bonello n'hésite pas à rendre compte sans détour des situations. Lors de l'avant-première, cela a perturbé un certain nombre de personnes au point que plusieurs, d'un certain âge il est vrai, ont quitté la salle en pleine projection. Et c'est vrai que comme d'autre scènes, celles-ci même si elles sont poignantes, sont parfois trop longues. 
Au final, le film offre un portrait intéressant car plutôt bien protégé jusque-là. Mais trop d'effets esthétiques et de scènes inutiles viennent gâcher, hélas, le tableau.

Je n'ai pas vu le 1er biopic de Jalil Lespert, Yves Saint Laurent, avec Pierre Niney. J'ai entendu dire qu'il était bien plus policé que la version de Bonello.  J'ai très envie de le voir et de comparer! 

Saint Laurent, en salles à partir de mercredi prochain. 
 
Saint Laurent le film réalisateur Bertrand Bonello Avec Gaspard Ulliel
 
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Photos de tournage : © 2014 Mandarin Cinéma/ Europacorp/ Orange studio/ Arte France Cinéma/Scope 

S.U.L.A

 
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